Offrir aux Parisiens une vaste et magnifique, qui soit un lieu de promenade et de fête, telles est la volonté du roi Henri IV en cette année 1605. Le résultat dépassera ses espérances : la place Royale, future place des Vosges, est depuis ce jour l’un des plus beaux fleurons de la capitale.
Bien que gascon, Henri IV se plaît à répéter qu’il aime Paris comme sa « fille aînée » et qu’il souhaite « rendre cette ville belle et pleine de toutes les commodités et ornements qu’il sera possible »… Dans un royaume enfin pacifié, il élabore pour ce Paris encore médiéval de grands projets de politique urbaine en traçant des perspectives en développant de nouveaux quartiers.
À cette nécessité s’ajoutent certainement le souci de sa postérité et un goût personnel pour l’architecture que certains lui reprochent, qui « me blâment d’aimer trop les bâtiments et les riches ouvrages », écrit-il à Sully en 1607.
Feu l’hôtel des Tournelles
Quoi qu’il en soit, les travaux de « parachèvement du Pont-Neuf » quasi achevé, il conçoit, à partir de 1604, un premier projet d’envergure et novateur: créer un nouvel espace public au cœur du quartier aristocratique du Marais en imaginant une place à l’emplacement de l’ancien parc de l’hôtel des Tournelles.
Détruit en 1653, l’hôtel avait été remplacé par un marché aux chevaux, avant qu’ Henri IV ait l’idée d’établir sur le côté nord de la future place une manufacture susceptible de rivaliser avec les prestigieuses soieries italiennes.
Puis, par des lettres patentes de juillet 1605, il prévoit la construction d’une vaste place rectangulaire bordée de hauts pavillons uniformes sur trois côtés. Mais, devant le peu de succès de la manufacture, le côté nord sera construit lui aussi, à l’identique de s trois autres.
La place est destinée à servir de lieu de fête et de promenade. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, elle figurera le centre parisien par excellence, aux yeux des nobles et des beaux esprits. Puis elle sera déserté par eux au profit des faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré.
La première place parisienne
À partir de 1605, des concessions sur la future place des Vosges sont vendues à des particuliers pour qu’ils élèvent de hôtels « bastiz d’une même cimettrie ». Ils doivent adopter la même structure architecturale – quatre arcades formant galeries au rez-de-chaussée, deux étages inégaux à quatre fenêtres, mansardes et œils-de-bœufs à la base du toit, toits indépendants des maisons voisines-, la même largeur de façade – 8 toises, soit 15,85 m -, et les mêmes matériaux – construction de brique à bordures et encadrements de pierre blanche, grands combles d’ardoise.
Seuls les deux pavillons du Roi et de la Reine – qui n’y résideront jamais-, au milieu des côtés nord et sud, auront trois arcades et une ordonnance plus élevée. Quelques entorses seront pratiquées par mesure d’économie (moellons couverts d’un enduit de plâtre imitant la brique) ou quand les ravalement successifs entraîneront des peintures de couleurs différentes.
Mais avec ces servitudes strictes imposées dès l’origine, la place presque carrée ne perdra jamais sa belle unité architecturale, avec ses trente-six pavillons répartis tout autour, soit neuf par côté. En fait, ces concessionnaires, souvent liés au milieu du bâtiment, n’habiteront pas ces hôtels, mais les loueront à de grands personnages de la noblesse qui à l’époque, fait étonnant, ne sont généralement pas propriétaires de leur logement.
S’agissant de l’identité du maître d’œuvre, plusieurs noms ont circulé : Louis Métezeau, Jacques II Androuet du Cerceau, Clément Métezeau et Claude Chastillon. Après l’installation en 1639 d’une statue équestre de Louis XIII, la place des Vosges mérite bien son nom d’alors, place Royale, appellation abandonnée en 1800 pour celle qu’on lui connait aujourd’hui et qui lui est donnée en l’honneur du département des Vosges, qui avait été le premier pays à payer ses impôts sous la Révolution.