Construit à l’origine pour relier deux fameuses rotondes abritant des tableaux panoramiques – d’où son nom -, le passage des Panoramas ouvre au public en 1800. C’est l’un des plus anciens et des plus emblématiques passages parisiens.
Le passage des Panoramas doit son existence à deux Américains. Le premier, m’armateur William Thayer, achète l’hôtel de Montmorency; le second, Robert Fulton, peintre de miniatures installé en Angleterre où il découvre les premiers panoramas, arrive en France, dans ses bagages, un brevet d’importation de cette nouveauté qu’il vend à son compatriote Thayer en 1799.
Ce dernier fait immédiatement construire au bout du jardin de son hôtel deux imposantes rotondes avec, entre les deux, un passage couvert bordé de boutiques reliant la rue Saint-Marceau au boulevard Montmartre. À l’époque, le boulevard n’est encore qu’un chemin de terre planté d’arbres auquel il est difficile d’accéder quand l’on vient du Palais-Royal.
Plus vrai que nature
D’un diamètre de 17 mètres, ces deux rotondes abritent chacun un paysage en trompe l’œil que le spectateur peut admirer depuis le centre de la pièce. Ces paysages renouvelés du fil du temps attirent de nombreux visiteurs , dont certains tout à fait fameux : « Vraiment, messieurs, se serait exclamé le peintre Jacques Louis David accompagné de ses élèves, c’est ici qu’il faut venir pour étudier la nature ! ».
Hélas, au bout de quelques années, cet engouement passe, et les deux rotondes, progressivement désertés, sont finalement démontées en 1831. Leur disparition n’entraîne pas pour autant le déclin du passage, qui continue de bénéficier de la fréquentation croissante du boulevard Montmartre, de ses attractions et de ses commerces.
Des boutiques prestigieuses
Il faut dire que le passage abrite de somptueuses boutiques, comme la célèbre confiserie À la duchesse de Courlande, dont les vitrines regorgent de toutes sortes de friandises et de fruits, même en plein hiver, tandis qu’au café Véron viennent déjeuner courtiers et agioteurs.
On y trouve aussi le luxueux papetier et marchand d’estampes Susse, par ailleurs éditeur du caricaturiste Gavarni, chez qui l’on peut se procurer « articles de fantaisie, tabletterie fine, corbeilles de mariage et de baptême, agendas et souvenirs, éventails, flacons et bonbonnières, bourses, porte-cartes, papiers à lettres gaufrés ou décorés, jeux de société, jouets mécaniques », comme le précise son papier à en-tête.
On peut également y admirer l’éditeur et marchand de musique Frère, le confiseur Millelot, le libraire Nepveu, le pâtissier Félix, inventeur des babas au citron, le graveur alsacien Stern, dont la boutique existe toujours, le magasin de modes de Mme Lapostolle et la belle boutique de thé et chocolat tenue par Marquis – un salon de thé l’a remplacée, mais a conservé le plafond à caissons et les éléments de décor…
Un agrandissement réussi
Le passage, long de 133 mètres sur 3.20 m de largeur, est d’une architecture simple : il se compose d’un seul étage su rez-de-chaussée avec des jours vitrés aménagés à intervalles réguliers dans la charpente diffusant la lumière. C’est là que, dès 1816, la compagnie Winsor expérimente pour la première fois dans un espace public à Paris un éclairage au gaz inventé par l’ingénieur Philippe Lebon.
À partir de 1834, il est agrandi pour concurrencer les galeries Colbert, Vivienne ou Choiseul : l’architecte Grisart est chargé d’édifier plusieurs galeries plus modestes – Saint-Marc, des Variétés, de la Bourse, Feydeau et Montmartre – venant se greffer sur la galerie principale. Et le résultat est à la hauteur des espérances: « Observez, écrit Alfred de Musset dans Mardoche, qu’un dimanche la rue Vivienne est tout à fait vide et que la cohue est aux Panoramas ou bien au Boulevard . »
Spectacles et attractions
Cette fréquentation doit aussi beaucoup aux divertissements et aux attractions que l’on y propose. Entre 1818 et 1827, date où il emménage passage Choiseul, M.Comte, physicien et ventriloque du roi, donne dans son petit théâtre pour enfants des spectacles de grande qualité. Autre amusement, les portraits en plâtre de célébrités – Balzac, Victor Hugo, Dumas père, Berlioz – que le statuaire Jean-Pierre Dantan réalise entre 1827 et 1845, et qui sont exposés dans la vitrine de Susse…
De même, l’ouverture en 1882 du musée Grévin, dans le passage Jouffroy attenant favorise encore l’animation des lieux : « Le passage des Panoramas est de tous les passages celui qui a conservé quelque chose de son ancienne splendeur », témoigne Le Gaulois le 17 mars 1912.
Le déclin du passage des Panoramas s’amorcera néanmoins au profit du passage Jouffroy, le côté droit du boulevard Montmartre étant plus fréquenté que le gauche, peut-être parce qu’il est plus ensoleillé. Après quelques décennies où il ne fut plus que l’ombre de lui-même, le passage a retrouvé une part de son éclat d’origine grâce à une campagne de restauration. Aujourd’hui, il attire de nouveau les flâneurs.