Les premières Expositions nationales attisent la curiosité du public, prompt à découvrir les richesses du territoire, mais aussi avide de nouveautés en tout genre. L’Exposition de 1844 lance véritablement la mode des Expositions nationales à travers l’Europe.
Entre 1798 et 1849, pas moins de onze Expositions nationales sont organisées. Elles marquent l’évolution de la France et la mutation de son économie, comme de sa société. Un pays majoritairement agricole se transforme, en quelques années, en une nation industrielle.
Cette révolution qui accompagne le bouleversement politique et l’ordre social, est rendue possible grâce au progrès technique et entraîne un profond changement des mentalités. Les Expositions nationales reflètent de ce bouillonnement culturel et technique et les visiteurs parisiens sont les témoins de cette évolution.
Le progrès en marche
Le succès des premières Expositions nationales se comprend grâce aux nombreuses innovations et inventions présentées lors de ces grands rendez-vous. À la différence des expositions précédentes, qui avaient une visée commerciale, ces manifestations deviennent la vitrine du progrès en marche, et exaltent les valeurs de la République. Les Parisiens se piquent de sciences et de techniques et affluent à ces événements dont l’organisation est confiée à des personnalités influentes et légitimes – des industriels ou des inventeurs.
Ainsi, en 1801, lors de la deuxième édition, coordonnée par Jean-Baptiste Chaptal, le fils du célèbre chimiste, on ne dévoile rien de moins qu’un projet de tunnel sous la Manche. En 1806, c’est la manufacture de Saint-Étienne qui se distingue, tandis que les tissages d’Oberkampf font sensation en 1819, tout comme le ciment artificiel, que l’on découvre à l’occasion de cette quatrième Exposition nationale.
En 1823, c’est au tour de Montgolfier de marquer les esprits dans le domaine de la papeterie, ainsi que Jacquard, pour ce qui est du textile. Le Lyonnais révolutionne le secteur en inventant le métier à tisser fonctionnant avec des cartes perforées.
Une mentalité nouvelle
Dans la frénésie d’un XIXe siècle qui s’invente et d’un monde en pleine mutation, une philosophie apparaît, associant le progrès industriel et le progrès social. L’industrie et ses performances doivent se faire au service de l’humain. À l’époque de Germinal et de La bête humaine, et sous l’impulsion des intellectuels, on voit fleurir une pensée humaniste qui s’accommode du libéralisme, jusqu’à en faire deux éléments indissociables : le progrès est le salut de l’homme, il le sortira de son aliénation au travail, grâce à la mécanisation, et contribuera à sa libération.
La mission pédagogique
Émerge par ailleurs l’idée d’éduquer les masses, de faire œuvre de pédagogie. Poussée par les philosophes, et dans la lignée des Lumières, la société européenne se pique d’instruction populaire. À présent que les monarques absolus ont fait place nette, que le suffrage universel point à l’horizon, que le concept de nation unifiée se répand, voilà que le peuple devient une force politique.
Il faut donc le convaincre de l’optimisme des élites et du bien-fondé de leur marche vers le progrès. D’où la nécessité d’expliquer, de vulgariser, de présenter. Au fil des Expositions nationales, le spectaculaire devient la règle, et l’aspect festif doit aider à séduire les visiteurs.
L’Exposition nationale de 1844
L’Exposition nationale de 1844 est la plus importante des onze expositions qui se déroulent de 1801 à 1849 et qui encouragent le développement agricole et technique de la France. Pour l’occasion, on bâtit une structure imposante, mais temporaire, sur les Champs-Élysées : 200 000 francs y sont alloués. L’édifice accueille 4 000 exposants, venus de toute la France. Un lieu prestigieux utilisé pour la première fois, succédant à plusieurs sites parisiens qui ont vu défiler la France de l’industrie: la place de la Concorde, la cour du Louvre ou encore les Invalides.
Cette année-là, Schneider et Le Creusot sont distingués pour la mise au point du premier marteau-pilon : une évolution majeure dans le domaine de l’acier, venue de Bourgogne. Une dernière exposition est organisée en 1849, baptisée « Exposition de la IInde République », ou « Exposition nationale de l’industrie agricole et manufacturière ». Un Anglais s’en inspire pour inventer la première Exposition universelle, qui se tiendra en 1851, dans la capitale britannique.
Les émules européens
En France, les décideurs sont réticents à inviter leurs voisins, même si des voix se sont élevées pour internationaliser le rendez-vous, très prisé des visiteurs. Les chambres de commerce rechignent à s’exposer à la concurrence potentielle que représentent les produits étrangers.
Les entrepreneurs français sont également sceptiques et pensent que la bataille est perdue d’avance contre les Anglais. La France opte donc pour un certain protectionnisme. Reste qu’elle inspire les voisins européens. Le succès de l’édition de 1844 donne lieu à toute une série d’expositions à travers l’Europe sur le modèle français: celles de Berne et de Madrid en 1845, de Bruxelles et de Bordeaux en 1847, celles de Saint-Pétersbourg et de Lisbonne en 1849.
Cail, visionnaire social
En 1849, la dernière Exposition nationale est l’occasion pour Jean-Fançois Cail, un des 4 532 exposants, de lever le voile sur ses machines sucrières et ses locomotives.L’entrepreneur, originaire des Deux-Sèvres, symbolise en outre l’industriel social, pour qui progrès technologique et humain vont de pair. Il fera construire des logements pour ses ouvriers travaillant à la gare du Nord, dans la rue qui porte aujourd’hui son nom dans le Xe arrondissement.