Avec ses maisonnettes bordées de jardinets, le quartier de la Mouzaïa, dans le XIXe arrondissement, forme un petit havre de paix pittoresque. Ces simples pavillons d’ouvriers au moment de leur construction sont désormais recherchés par une clientèle plutôt argentée…
Le charmant quartier de la Mouzaïa aligne le long de ses voies deux cent cinquante petites maisons avec jardin. Il fut édifié sur ce qui était encore il y a un siècle et demi l’une des plus importantes et plus anciennes carrières de gypse de la capitale, qu’on appelait la « carrière d’Amérique », car une partie de ses pierre avait été exportée aux États-Unis, notamment pour édifier la Maison-Blanche à Washington. L’usage est resté, puisque la Mouzaïa est toujours surnommée le « quartier d’Amérique ».
Un demi-siècle de travaux
Bien que le nombre et la profondeur des excavations les rendent impropres à la construction – à certains endroits, on compte trois étages de galeries superposées-, les terrains font l’objet d’opérations spéculatives successives après la fermeture des carrières.
Un premier projet de construction, agréé par la Ville de Paris, d’une annexe du marché aux chevaux du boulevard Saint-Marcel traîne en longueur et n’aboutit pas. Finalement, en 1901, la Ville autorise les propriétaires des terrains à y ériger des maisons, à condition qu’ils respectent certaines contraintes liées à l’instabilité du sol.
Si l’ensemble du quartier donne l’impression d’avoir été réalisé d’un seul tenant, c’est pourtant seulement au bout d’un demi-siècle, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, qu’il sera totalement achevé. Les acquéreurs des maisons sont pour la plupart des employés ou des petits commerçants qui habitent déjà dans le quartier.
Un gage de stabilité politique
Édifiée dans un climat de spéculation immobilière, la Mouzaïa illustre admirablement la façon dont se sont constitués les anciens quartiers limitrophes de Paris quand ils ont été absorbés par la capitale. Elle est emblématique d’un époque où les pouvoirs publics, alertés par toutes sortes d’intellectuels, entendent remplacer les nombreux habitats insalubres par de petites maisons individuelles dont beaucoup pensent qu’elles garantissent à terme la prospérité et la stabilité politique.
« Faire des citoyens des propriétaires, c’est aussi faire des conservateurs », écrit Alexandre Ribot, créateur de la loi du 10 avril 1908 qui donne naissance aux sociétés de crédit immobilier, pour favoriser l’accession des familles ouvrières à la propriété.
Un souvenir d’Algérie
Situé non loin du parc des Buttes-Chaumont, le quartier de la Mouzaïa s’organise autour de la rue de Mouzaïa, desservie sur toute sa longueur -590 mètres- par une série d’allées en pente répondant aux doux noms de « villa Amélia », « villa de Fontenay », « villa Rimbaud », « villa de Bellevue », « villa Claude-Monet »…
Elle porte, depuis 1877, le nom du col de Mouzaïa, en Algérie, en raison des combats qui s’y déroulèrent en mai 1840 entre le lieutenant général Lamoricière et les troupes d’Abd-el-Kader, lors de la conquête de l’Algérie par la France.